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Interview de Bruno MORIN : la RSE ''un must have!''

8 minutes
Interview
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Bonjour, pouvez-vous nous parler de vous ?

Développeur économique, j'ai dirigé pendant plusieurs années le Réseau GRANDDE (un réseau d'entrepreneurs normands consacré à la RSE et l'économie circulaire). Je suis devenu Responsable développement et coordinateur RSE pour l'agence Seine-Maritime Attractivité en 2017. Parallèlement, j'ai créé en 2018, ECOVOLUTION, bureau d'études en développement durable, que je dirige aujourd'hui.

Pouvez-vous nous parler de votre entreprise ?

ECOVOLUTION accompagne les entreprises et organisations normandes sur plusieurs sujets :
 - Management de la RSE (diagnostic et construction de votre stratégie RSE)
 - Définition de votre raison d'être
 - Reporting extra financier
 - Bilan carbone
 - Stratégies climat
 J'anime également de nombreuses conférences et débats. 

Si nous devons expliquer concrètement la RSE et ses bénéfices à une personne qui n'y connait rien, on lui dit quoi ?

Je dirai qu'une stratégie RSE, c’est du pragmatisme. C'est essayer de mettre en place de manière concrète un fonctionnement à la fois efficace et vertueux, dans un cadre et une terminologie commune, codifiée par la norme internationale ISO 26000.
Ainsi, l’intérêt de la RSE c’est de réviser le fonctionnement de l’entreprise, de la refonder sur la base de valeurs, d’activités et de modèles d’affaires plus durables. La prise en compte des questions sociales et environnementales y est formalisée. Le tout passe par un travail d’introspection et d’analyse. 
Très concrètement, une démarche RSE génère plusieurs types de bénéfices. D’une part la réduction des coûts : en essayant d’optimiser son fonctionnement, on peut réduire par exemple sa consommation énergétique ou ses coûts de logistique. Elle connecte également l’entreprise aux tendances et aux aspirations des parties prenantes.
D’autre part, la RSE permet de réduire son exposition aux risques. Elle impacte le business model et stimule la création de nouveaux produits en étant à l’écoute des tendances. Et puis c’est un travail sur la durée, qui permet d’impliquer les équipes, de favoriser l’engagement et aussi d’améliorer la productivité.

Dites-nous franchement, la RSE est-elle un truc de grands groupes et de consultants ?

Non, plus maintenant. Depuis une dizaine d’années, des dirigeants de TPE et de PME s’engagent aussi dans cette transformation. Il y a même souvent, au sein des petites entreprises, une capacité d’innovation et de transformation que l’on ne retrouve pas ailleurs. 
Pour autant, le rôle d'un cabinet comme celui que je dirige est essentiel pour guider les entreprises, leur offrir un regard différent sur leur fonctionnement. Je suis, comme on me le dit quelquefois, "une main sur l'épaule" qui oriente et qui conforte l'organisation dans ses choix stratégiques.

Comment observez-vous l'adoption de la RSE en entreprise sur les dernières années ?

Pour moi la RSE commence véritablement à s’imposer au niveau stratégique et fait partie de la réflexion sur la transition des entreprises. On parle de plus en plus de raison d’être, et d’entreprise à mission… Je crois, et je ne suis pas le seul, que les entreprises qui continueront à faire des profits demain seront celles qui apporteront un profit à la société. C’est déjà bien intégré par les dirigeants. 

En France, dans quel pilier de la RSE sommes-nous le plus en retard dans les PME ?

Comme pour toute inflexion dans la politique d'une entreprise, celle-ci ne peut se faire sans le principal manager, son dirigeant. Il faut donc continuer de convaincre et faire entendre que la mise en œuvre d'une stratégie RSE doit venir du top management. Si ce constat n'est pas partagé, c'est injouable. L'enjeu d'une bonne gouvernance est donc fondamental. Et c'est bien là, pour toutes les organisations sociales ou économiques, qu'il y a le plus d'efforts à accomplir. 

Avez-vous des arguments à donner aux managers qui veulent inciter leur Direction à enclencher une démarche RSE ?

Je leur dirai qu'il n'est plus temps d'attendre. La pression des marchés, des investisseurs, des citoyens est grandissante. Les mécanismes réglementaires instaurés par la Commission Européenne (CSRD, taxonomie verte...) vont durablement bouleverser le fonctionnement de nos entreprises. 
Les stratégies RSE doivent ainsi aujourd’hui être une priorité explicite des dirigeants et doivent ensuite irriguer l’ensemble des champs d’activité de l’entreprise. Au cœur de toutes ces réflexions, il doit y avoir une vision systémique de la RSE, construite autour d’un véritable dialogue avec les parties prenantes et crédible pour répondre aux défis titanesques que nous connaissons.
La RSE qui était il y a peu encore un « must to have » est devenue désormais un « must have », le fer de lance de la véritable performance de l’entreprise.

Auriez-vous des exemples d'actions impactantes qui ont été mises en place dans une PME ?

J’observe sur le territoire normand qui est le mien, des entreprises de toutes tailles, des grandes structures à la start-up, qui s’engagent franchement. Pêle-mêle, des plus grandes aux plus petites, je pense par exemple à Chéreau, Legallais, Hamelin, Biscuiterie de l’Abbaye, Nutriset, Unifer Environnement… Des conciergeries d’entreprises comme La Minut’Rit au Havre ou Facility Serv à Rouen.
Toutes ont construit leur business model autour du développement durable et de la RSE. On a trouve également des entreprises agricoles comme Cara-Meuh !, dans le sud-Manche, qui a revu tout son modèle après une crise laitière.
Pour elles, c’est aussi une histoire de conviction, une manière de choisir leur destin. 

Un petit mot pour terminer ?

Je dirai que le monde change, évolue et que s’adapter peut occasionner des coûts, mais il faut garder à l’esprit que ces coûts éventuels seront toujours bien inférieurs au surcoût que l’on aurait à supporter si l’on ne faisait rien, si l’on restait sur le statu quo. 
J'ajouterai enfin que l'on ne fait pas de la RSE sans le savoir, surtout pas ! La RSE c'est justement savoir ce que l'on ne fait pas.